1833, deuxième séjour de Chateaubriand à Venise

Lord Byron (1788-1824) (1/2)

 

Cet événement majeur est l’arrivée, en 1816, de Lord Byron, le poète anglais. Depuis toujours amoureux de Venise, il chantera la ville-fée, comme il la nomme et l’immortalise dans le quatrième chant de son poème le Pèlerinage de Childe Harold. Il y dévoile son amour passionné pour la ville meurtrie et moribonde, pleine de la magie des beautés en péril, encore plus envoûtantes d’être menacées. Cet aristocrate sulfureux, mis au ban de sa propre famille, rejeté pour conduite scandaleuse, choisit comme lieu d’exil et de délices la ville de Venise.

Il s’installe dans la ville en 1816. Sa saga vénitienne durera 3 ans jusqu’en 1819. Il défraye bien vite la chronique de la ville, célèbre par ses frasques notamment amoureuses. Sa claudication congénitale le pousse aux exploits sportifs. Il fait d’inlassables chevauchées tout au long du Lido. Nageur excellent et téméraire, il traverse le grand canal à la nage, s’essaie à des compétitions, séduit toutes les femmes de Venise, tout âge et classes sociales confondues, sans compter les courtisanes, les donne pericolanti, comme on dit en italien de façon si expressive. Ces courtisanes qui ont fait la réputation de la ville depuis des siècles.

Quand Chateaubriand vient à Venise cette année-là, le culte de Byron est à son comble et l’on ne parle que de lui. Jaloux, l’enchanteur évoque avec aigreur, dans son Livre sur Venise, le Don Juan vénitien Lord Byron. Il le juge, lui attribue des bons et mauvais points, soulignant ses défauts, sa vie de débauché. On ne peut s’empêcher de sourire quand on considère la vie amoureuse du vicomte breton catholique, chantre du trône et de l’autel. Le Génie du Christianisme, Atala vantent la sainteté du mariage et la fidélité qui va de soi quand on est bon chrétien. Or René est marié et adultère comme Lord Byron, mais il déteste le scandale et sait admirablement accorder sa lyre de poète à son violon de séducteur. Il sait naviguer en eaux troubles, ménager les susceptibilités de femmes, celle de Céleste son épouse, celle de Juliette son égérie, celle de sa maîtresse du moment ; il n’écrit que ce qui lui sert à sculpter sa statue pour la postérité. Les Mémoires d'outre tombe en sont la preuve. Le noble vicomte était ainsi. Il s’accordait peut-être tout ce qu’il reprochait à Byron, mais il ne s’en vantait pas, bien trop soucieux de bienséance. Or Lord Byron se moque du qu’en-dira-t-on et assume sa propre nature, comme le fera plus tard Oscar Wilde, autre objet de scandale dans l’Angleterre victorienne.

Cette digression éclaire les raisons du ressentiment que montre Chateaubriand envers Byron. Dès 1822, les œuvres complètes de Byron ont paru en français. Deux ans plus tard, le 19 avril 1824, il mourait sur la terre de Grèce, jadis conquise par la Sérénissime. Mort héroïque qui en fait définitivement un être d’exception. Il meurt à Missolonghi, au milieu des insurgés grecs combattant pour l’indépendance. Sa gloire désormais établie, il devient le héros romantique par excellence, le poète pélerin Childe Harold. Chateaubriand veut lui aussi imprimer sa marque à Venise, écrire un ouvrage immortel. Ce sera le Livre sur Venise.

Plaque précisant que Lord Byron
habita le palais Mocenigo

 
"Présentation 2e séjour"
1833, 2ème séjour à Venise — Lord Byron (1/2)
"Byron   2/2" 

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