1833, deuxième séjour de Chateaubriand à Venise

 

Jean Jacques Rousseau (1712-1778)

 
Il n’épargne pas non plus un autre écrivain français, illustre prédécesseur et de qui René se sentait proche dans sa jeunesse vagabonde. Il s’agit de Jean Jacques Rousseau, qui vint à Venise en 1743 , comme “secrétaire infime d’un ambassadeur mesquin” note Chateaubriand méchamment. René parle de Jean-Jacques avec snobisme, il l’appelle, “fils plébéien de l’obscur horloger de Genève” et l’oppose à Byron, l’aristocrate, “d’une autre allure” écrit-il, car Rousseau, souligne Chateaubriand : “… ne parle même pas de Venise. ll semble l’avoir habitée sans l’avoir vue alors que Byron l’a chantée admirablement.“

L'auteur évoque la Zulietta de Rousseau, la charmante ragazza qui l'a séduit et dont parle le philosophe avec un vrai bonheur d’écriture ; ce que reconnaît le vicomte tout en le critiquant : “À travers le charme du style de l’auteur des Confessions, perce quelque chose de vulgaire, de mauvais ton, de mauvais goût.

À la fin du XVIIIe siècle, ce palais était l'ambassade de France à Venise où travailla J.J. Rousseau

Aux côtés de Zulietta, il fait revivre aussi la Fornarina, la boulangère, sultane favorite de Byron, égratignant au passage les deux écrivains : “Plaignons Rousseau et Byron d’avoir encensé des autels peu dignes de leur sacrifices”. Il regarde de haut ces amateurs de “donne pericolanti, de Vénus payées” qu’il évoque avec mépris. Il les associe pour mieux les dénigrer : “Rousseau et Byron ont eu à Venise un trait de ressemblance : ni l’un ni l’autre n’a ressenti les arts. Rousseau doué merveilleusement pour la musique n’a pas l’air de savoir qu’il existe près de Zulietta des tableaux, des statues, des monuments.

N’oublions pas que lors de son premier séjour vénitien en 1806, lui même se désintéressait de l’architecture de la ville et confondait allègrement tous les styles de construction, apparaissant comme le béotien qu’il voit maintenant en Rousseau et Byron.

Après les portraits satiriques de ces deux écrivains, voyons comment Chateaubriand se situe au milieu des “beaux génies inspirés par Venise” (titre du chapitre qui suit celui qu’il a consacré à Rousseau et Byron).

D’abord, Chateaubriand célèbre Shakespeare : il “créa Desdemona, cette pudique vénitienne qui déclare sa tendresse à Othello, bien différentes des Vénus payées de Rousseau et Byron.” Il vante aussi Goethe et le “gentil Marot”, Montesquieu, madame de Staël qui “livre Venise à l’inspiration de Corinne”, puis il ajoute : “je respire à l’aise au milieu de la troupe immortelle, comme un humble voyageur admis au foyer d’une riche et belle famille.” Famille dont nous comprenons bien que ni Rousseau, ni Byron, pauvres mortels, ne font partie.

Quittons ces deux célébrités, visiteurs de Venise, toutes deux disparues en 1833. Jean-Jacques Rousseau est mort depuis longtemps, en 1778. Byron disparaît en 1824. Quittons-les et retrouvons maintenant sous la plume de l’enchanteur dans son Livre sur Venise, un autre grand homme, italien celui-là : l’écrivain Silvio Pellico.

 
Vers l'accueil "Byron 2/2"
1833, 2ème séjour à Venise — Jean Jacques Rousseau
"Pellico 1/3" 

©mhviviani