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11. Le Perugin

 

Déçue elle s’adresse Mantegna attaché à sa cour (dont l’art est déjà dépassé) qui accepte les sujets compliqués qu’elle lui propose. Pour Isabelle, une peinture est une idée philosophique qu’elle veut illustrer à sa gloire personnelle. Admiratrice du Pérugin, elle lui commande des tableaux allégoriques, imposant sujet et détails. Ils échangèrent 53 lettres ! Le Pérugin d’abord séduit, signe un contrat pour la réalisation du tableau. Elle développe ses exigences sur plusieurs pages : “ le thème poétique que je désire vous voir peindre est le combat de l’Amour et de la Chasteté, Pallas luttant contre Vénus et l’Amour. Il faut que Pallas semble avoir presque vaincu l’Amour… “ s’ensuivent mille précisions. On peut comprendre le découragement du peintre qui finit pourtant par lui livrer son tableau. Insatisfaite, elle ne lui commandera plus aucune toile.

Année 1500, début du siècle… le 5 février, Ludovic Sforza reprend Milan ! “Viva il MORO“ crient les Milanais versatiles. Isabelle réjouie écrit à Ludovic, et envoie même son beau-frère Jean se battre au côté du More sans prévenir son mari qui se fâche contre les initiatives de sa femme, à juste titre car Isabelle a commis un faux pas politique. En effet, la victoire du Moro est éphémère. Fait prisonnier, il est exilé en France où il finira ses jours dans un cachot au château de Loches.

 

Isabelle est couverte de confusion. Heureusement elle met au monde un fils, Frédéric, l’héritier du marquisat de Mantoue. Elle exulte et les époux se réconcilient autour du berceau. Le baptême prend figure d’ évènement politique. En guise de bonnes fées, trois parrains sont soigneusement choisis pour mettre l’héritier à l’abri des conflits qui menacent toujours Mantoue : un représentant de l’empereur Maximilien, le cardinal Sanseverino ami des Français et le fameux César qui signait ses lettres : “César Borgia de France, Duc de Valence, gonfalonier et capitaine général de la Sainte Eglise Romaine.” Quel parrainage! La marquise est consciente que c’est dangereux d’introduire le fils du pape, sur leurs territoires. Elle a aussi des raisons de lui en vouloir : il a fait mettre en prison la nièce de Ludovic, son amie la Dame de Forli mais elle juge utile d’avoir César dans son camp. Son arrivée à Mantoue fait sensation : malgré le mal français qui rongeait son visage, il n’était pas défiguré et sa stature magnifique séduisait toutes les femmes ! “molto galante.” Fait pour l’amour et pour la guerre, comme il l’a bien prouvé !

1500 - année de Jubilé à Rome, les armées françaises de Louis XII, descendent vers Naples, avec l’accord du pape et de César. Isabelle s’inquiète : elle est fille d’Aragon et craint de nouveaux déchirements.

Le drame éclate à Rome, en juillet, avec l’assassinat du cousin d’Isabelle : neveu du roi de Naples, duc de Bisceglie époux de Lucrèce Borgia. Il résidait à Rome quand au sortir du Vatican, il fut assassiné par cinq spadassins de la garde de César. Façon définitive pour les Borgia de rompre leurs liens avec les Aragon de Naples. L’on sait que Le duc de Valentinois est le commanditaire de ce crime horrible. César est bien digne de l’emblème qui ornait le ceinturon de ses gardes — une vipère crachant son venin. Sur sa lancée, il fonce sur la ville de Pesaro qu’il prend d’assaut, là où règne la sœur de François. Il sème la terreur sur son passage, François Gonzague se sent déjà condamné mais Isabelle réagit. Elle contraint son époux à protéger et accueillir les souverains de Pesaro. C’est évidemment un grand risque pour les Gonzague mais le prestige dont jouit la marquise Isabelle lui permet d’agir en femme d’honneur et d’offrir l’hospitalité aux ennemis des Borgia. Sorte de revanche pour Isabelle. Le Valentinois ferme les yeux car il veut la neutralité des Gonzague. De plus, il admire le caractère de la marquise et son sens politique.

ISABELLE D’ESTE - 11. Le Perugin

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