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13. Mariage de Lucrèce Borgia avec Alphonse d'Este

 

Elle craint César Borgia comme la peste et le ménage. Elle ne veut pas le voir ! Qu’il reste hors de sa vue ! et pourtant, elle sera contrainte de le revoir, recevant du même coup, une dure leçon de politique. En effet, elle apprend que son admirable père, le duc Ercole D’Este, est prêt à marier son propre fils Alphonse d’Este (veuf de Anne Sforza ) à la belle veuve Lucrèce Borgia, accédant ainsi au désir du pape Alexandre VI. Celui-ci veut absolument la mainmise sur le duché de Ferrare qui représente pour la Papauté, un bastion défensif dans le Nord de l’Italie. Introduire sa fille Lucrèce à Ferrare comme l’épouse de l’héritier du duché, c’est contraindre les Este à gagner son camp ! Isabelle est horrifiée et furieuse, son père lui-même juge l’union dégradante. Elle tente en vain de lui faire renoncer à cette répugnante alliance, mais elle devra céder. Belle-sœur de Lucrèce Borgia “bâtarde du pape“ dont on connaissait l’épitaphe infamante et anonyme : “Lucrèce Borgia, fille, femme et belle-fille du pape“. Isabelle ne reçut jamais dans sa correspondance aucun témoignage écrit de la vie dissolue qu’on prêtait aux Borgia. C’est le livre de Burchard, Cérémoniaire du Vatican sous Alexandre VI qui a consigné soigneusement le contenu de chaque journée, heure par heure sans aucun commentaire personnel ! : seulement les faits ! Edifiant !

 

Le duc d’Este accepte cette union car le contrat de mariage est très intéressant pour la famille d’Este : dot très conséquente, réduction du tribut annuel que le duc d’Este paie au Saint Siège, investiture au cardinalat pour les enfants de Lucrèce et d’Alphonse. Le père d’Isabelle peut s’estimer satisfait. D’autant plus que la beauté et le charme de Lucrèce enflamment tous les cœurs. Elle a l’air d’un ange ! Son père et son mari François ne cessent de la couvrir de louanges. C’est un comble pour Isabelle soudain prise de mortelle jalousie ! Les lettres de son mari à Lucrèce prouvent déjà sa dévotion. Isabelle se ronge les sangs pendant les préparatifs. Sera-t-elle encore “ La prima donna del mondo” face à une telle rivale ? Elle charge son homme de confiance d’épier les faits et gestes de sa future belle-sœur. Les réponses de son secrétaire Il Prete qui n’avait pas l’âme courtisane, ne la rassurent pas “… outre sa grâce parfaite en toute chose, sa modestie, son affabilité, son honnêteté, elle est Catholique et montre sa crainte de Dieu“. De quoi séduire tout un clergé pieusement rassemblé autour de la fille du pape ! Isabelle comprend qu’elle aura affaire à forte partie !

Le mariage a lieu à Ferrare le 6 janvier 1502. Isabelle d’une humeur massacrante refuse de se plier au protocole. Elle écrit à son mari en critiquant tout de la cérémonie et dit s’ennuyer à mourir pendant les multiples festivités… ulcérée de voir au cou de Lucrèce ( je cite : “Le collier de rubis et diamants qui a appartenu à Madonna Eleonora de Sainte Mémoire“.

Quoiqu’elle ait écrit, on sait qu’Isabelle y fit très belle figure comme le rapporte le courrier des ambassadeurs français et vénitiens. Elle sut séduire, par son élégance incontestée (on copiait ses vêtements, sa coiffure en turban… ) mais surtout par sa culture et ses propos de fine diplomatie. Près d’elle Lucrèce est muette sur le sujet… Triomphe d’Isabelle… Ainsi vont les rivalités féminines de tous les temps !

De retour à Mantoue, elle sent l’envie de voyager et en 1502, s’offre le plaisir d’une escapade, à Venise, incognito, accompagnée de sa chère Elizabeth, la duchesse. Elles sont libres, s’amusent. Le doge respecte leur liberté et leur fait porter de superbes cadeaux. Elle écrit à son mari : “Si votre Excellence considère la courte durée de notre voyage et tout ce que nous avons fait ou vu, il nous proclamera les plus vaillantes femmes du monde”.

13. Mariage de Lucrèce Borgia avec Alphonse d'Este

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