cliquez pour agrandir

 

 

 

    

 

 

 

cliquez pour agrandir

 

 

 

   

 

 

 

cliquez pour agrandir

 

 

 

   

Ce soir je vais vous parler de George Sand et de l’Italie, qu’elle considéra toujours comme sa seconde patrie. Je parlerai principalement de son premier séjour à Venise en 1834 et je tâcherai de montrer l’influence qu’exerça ce pays sur la femme et sur l’écrivain.

"Ma mère avait ce jour-là une jolie robe couleur de rose, et mon père jouait sur son fidèle violon de Crémone…" écrit George Sand dans Histoire de ma vie. Née le premier juillet 1804, à Paris, au son du violon, il flottait déjà autour d’elle un parfum italien puisque son père, Maurice Dupin de Francueil, nommé lieutenant sur le champ de bataille de Marengo, avait rencontré l’amour en Italie, en la personne de Sophie Victoire Delaborde. Il l’épousa à l’insu de sa mère Mme Aurore Dupin de Francueil, fille naturelle du Maréchal de Saxe, grande dame de l’aristocratie. George Sand est le fruit d’une ascendance disparate : lignée illustre du côté paternel quoique marquée par la bâtardise, un véritable almanach du Gotha européen. Du côté maternel, c’est le peuple le plus humble. Double ascendance qui forgera cette personnalité exceptionnelle que fut George Sand.

La vie de la petite Aurore s’écoule heureuse pendant 4 ans jusqu’au jour où un accident de cheval lui enlève son père qui meurt à Nohant le 16 septembre 1808. À dater de ce moment-là, elle sera tiraillée entre les deux femmes, sa mère Sophie et sa grand-mère paternelle, que tout oppose sauf l’amour pour le même homme, Maurice Dupin.

Dès l’enfance, Aurore rêve de cette Italie que sa grand-mère lui révèle par la musique de Pergolese, les gravures de Piranese et les récits des voyageurs illustres. Élevée à Nohant, dans la maison de Mme Dupin de Francueil, elle grandit au milieu des champs, un peu comme une herbe folle, un peu comme un poulain sauvage qui saute les haies et piétine les plates-bandes.

Sa grand-mère qui l’adore veut en faire une femme instruite aussi l’envoie-t-elle à Paris au couvent des Augustines anglaises où elle passera deux années. Elle y apprendra les langues étrangères dont l’Italien qu’elle parle avec son amie Émilie de Wismes. “La mia lingua diletta“ précise-t-elle. Elle passe une période d’intense ferveur religieuse et reste en contemplation devant un tableau d’autel qu’elle imagine être du Titien.

Après ces deux années, Aurore revient à Nohant. Elle a seize ans et se plonge dans le monde enchanté de la littérature : Paul et Virginie, l’Iliade. Elle découvre les auteurs italiens qui ont enchanté le jeune Stendhal : Le Tasse, Dante, l’Arioste, Petrarque. Elle lit avec passion Le Génie du christianisme de Chateaubriand dont elle aime la religiosité mystique, ce qui ne l’empêche pas de devenir anticléricale sous l’influence de Rousseau qui plante en elle, les idées d’égalité et de liberté qui lui seront si chères.

En 1821, la belle harmonie qui unissait les deux Aurore, la grand mère et la petite fille, prend fin avec la mort de Mme Dupin de Francueil. Cette grande dame, si soucieuse de son éducation, meurt en lui disant : ”Tu perds en moi ta meilleure amie.“ Aurore Dupin, la future George Sand, ne parviendra jamais à s’entendre avec sa mère malgré l’adoration qu’elle lui portait enfant. Après la mort de son mari — Aurore a 4 ans — elle accepte de laisser sa fille à sa belle-mère contre une somme d’argent et certainement la conviction que la petite Aurore serait mieux élevée à Nohant qu’à Paris où elle choisit de vivre.

Sophie, d’extraction modeste, est la fille d’un oiselier du quai de la Mégisserie. Elle adore s’entourer de petits volatiles qu’elle charme de sa jolie voix. Aurore en garde un très vif souvenir. Est-ce à cause de cela que George Sand aimera les oiseaux toute sa vie ; un petit sansonnet apprivoisé chantera pour elle, à Venise, il boira dans son encrier et se posera sur sa pipe. Elle s’en souvient dans son autobiographie : “À Venise, j’ai vécu avec un sansonnet plein de charme, qui s’est ensuite noyé dans le Canaletto, à mon grand désespoir…" Dans Teverino, roman qu’elle écrira en 1845, “J’ai inventé, dit-elle, une jeune fille ayant pouvoir, comme la première Ève, sur les oiseaux de la création.

La vie libre et rustique qu’elle mène à Nohant, dans son adolescence, forge son caractère indépendant, rétif aux conventions sociales. Elle adopte ces habits d’homme qui lui permettent des chevauchées en toute liberté et des baignades dans le Cher. Plus tard elle fumera le cigare, le narguilé puis les cigarettes, campant ainsi le personnage pittoresque que nous connaissons tous et que Musset a immortalisé dans de charmants croquis.

Avant cela, en 1822, pressée de quitter la tutelle tatillonne de sa mère, ces récriminations, elle épouse un jeune homme qui lui paraît aimable : le baron Casimir Dudevant. Après le mariage, l’ennui commence à poindre malgré les louables efforts des deux époux, peu faits pour s’entendre. Elle écrit à son amie Émilie de Wismes, une réflexion révélatrice de son état d’esprit : "Il faut être bien persuadée, qu’il est absolument impossible de rencontrer une personne dont l’humeur et les goûts soient en tout semblable aux siens propres, puisqu’on peut dire de nous tous ce que l’abbé Magnani t’appliquait fort bien : Natura la fé e ruppe la stampa ou : La Nature la fit et brisa le moule.

La vie conjugale déjà lui pèse. Heureusement, en 1823, la naissance de son fils Maurice l’enchante. Toujours à Émilie, elle décrit son chérubin : "vermiglio al par’ di rosa“ (vermeil comme une rose). La vie provinciale s’étire, monotone, agrémentée de soirées musicales. Aurore chante des mélodies italiennes qui charment Aurélien de Sèze, son nouveau soupirant. La jeune femme élevée dans le culte de la musique classique, se tient au courant des concerts parisiens. Les airs de Rossini, de Spontini, de Cherubini n’ont pas de secret pour elle. Et c’est presqu’une parisienne avertie qui débarque dans la capitale, au printemps 1830.

George Sand et l’Italie : 1. Enfance et adolescence à Nohant