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C’est une amazone des Lettres célèbre et fêtée que rencontre Musset en 1833. George Sand fait sa connaissance au restaurant Lointier, 104 rue de Richelieu, lors d’un dîner offert par Buloz, directeur de la Revue des Deux Mondes, revue prestigieuse qui couvre le monde des Lettres et des Arts et où paraissent ses écrits. Alfred de Musset, blond Adonis de 23 ans, est placé à côté de George Sand, 29 ans auréolée de son prestige naissant, la seule femme de ce cercle littéraire. Elle est plutôt bourgeoise et provinciale, lui aristocrate et parisien. Une complicité intellectuelle s’établit entre eux. Musset, jeune dandy, brillant causeur, est connu pour ses Contes d’Espagne et d’Italie. D’abord, bien qu’attirée vers lui, George le trouve snob, lui la juge bas bleu mais ses yeux noirs le troublent déjà. Musset la décrit ainsi : ”Brune, pâle, olivâtre avec des reflets de bronze et des yeux énormes, comme une Indienne. Elle avait un petit poignard suspendu à sa ceinture…“ Un poignard de dame bien aiguisé qui saura lui percer le cœur.

Pour le moment, ils en sont au marivaudage littéraire. Alfred lui parle d’Indiana, elle répond amusée; ils font des promenades, elle l’appelle “Mon gamin d’Alfred”, le reçoit en négligé, il admire ses babouches ! Bref, le flirt prélude aux étreintes plus poussées. Au mois de juillet 1833, elle lui envoie les épreuves de son roman, Lelia. George a crée auprès de son héroïne, le personnage de Stenio en s’inspirant de Musset qu’elle connaissait à travers ses livres, avant de le rencontrer. Stenio est comme un double du poète. Jeune homme fragile, en proie au mal de vivre, il s’éprend de Lelia en qui il voit une mère aimante et protectrice capable de tout lui pardonner. C’est peu à peu ce genre de relation qui s’établira entre George et Alfred. La romancière a pressenti leur avenir. Des affinités électives les aimantent l’un vers l’autre.

Musset lui écrit chaque jour : ”Je puis être si vous m’en jugez digne, (…) une espèce de camarade sans conséquence et sans droits, par conséquent sans jalousie et sans brouilles, capable de fumer votre tabac, de chiffonner vos peignoirs et d’attraper des rhumes de cerveau en philosophant avec vous sous les marronniers de l’Europe moderne.

Propos légers d’un homme d’esprit qui fait sa cour en plaisantant. Bientôt pourtant, dans les rues de Venise où il suivra son égérie, il pleurera de rage et de douleur, aveuglé par la jalousie. Tout les pousse vers l’Italie : ils ont les mêmes goûts pour les vieux auteurs italiens. Dessinateur de talent, Musset connaît les peintres de la péninsule. Il a publié une étude sur Andréa del Sarto. Comme George, il rêve de croiser à Venise le fantôme de Casanova et celui de Byron. Il pense à Lorenzaccio. Leur collaboration commence. Leur liaison amoureuse aussi, quand Musset pressent et reconnaît en George une âme de mère. Il lui avoue alors : “Je vous aime comme un enfant." Tout est en place pour une relation d’un an et demi seulement mais qui figure parmi les passions amoureuses les plus célèbres de la littérature car, écrivains tous les deux, ils vont utiliser leurs souvenirs dans leurs œuvres respectives.

En août 1833 George Sand écrit à Sainte Beuve : “Je me suis énamourée et cette fois très sérieusement d’Alfred de Musset“. Ils s’amusent, s’enivrent de chansons et de poésies dans la mansarde bleue, sa ruelle, où George, précieuse des temps modernes reçoit, les beaux esprits de son temps : Balzac, Mérimée, Litz et Marie D’Agoult. George écrit Metella, autre visage d’elle-même qu’elle peint ainsi : ”Elle vint en Italie chercher une vie plus libre, des mœurs plus élégantes. (…) Elle se sentait disposée à fouler aux pieds ces lois du préjugé et à mener joyeuse vie." Un programme, en tout point conforme aux vœux de George l’aventureuse.

Musset rimaille joyeusement :

Italie, voyez-vous, à mon sens, c’est la rime à folie
Et qui dans l’Italie n’a son grain de folie ?

Ils parlent de voyage et rêvent de départ.

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble…
Au pays qui te ressemble

Ces vers de Baudelaire semblent écrits pour eux mais ils ne les connaissent pas — Les Fleurs du Mal ne paraîtront qu’en 1857 — Leur décision est prise. George Sand va réaliser son rêve d’exotisme.

Elle écrit à son mari Casimir, l’infortuné baron Dudevant : "Je vais en Italie passer l’hiver et essayer de guérir les rhumatismes dont je suis abîmée“. George en femme avertie, avance quelque fausse bonne raison, pour justifier ce voyage qu’elle désire. La bienséance exige, d’ailleurs, de pieux mensonges. La séparation légale entre les époux Dudevant, n’aura lieu qu’en 1836.

Aurore Dupin veut obtenir la garde de ses enfants et conserver la maison de Nohant, héritage de sa chère grand-mère. Avant de se livrer aux délices du voyage, elle se préoccupe de ses enfants : Maurice, l’aîné âgé de dix ans sera interne au collège Henri IV ; son ami Papet veillera à ce que tout se passe bien ; la petite Solange restera à Nohant auprès de son père, le baron Dudevant.

Elle fait ses comptes, passe un contrat avec son éditeur Buloz à qui elle promet la livraison d’un roman, pour le 1er juin 1834. Reste encore une tâche délicate à accomplir : convaincre et rassurer Mme Musset, la mère d’Alfred, toujours inquiète au sujet de son fils, plus que réticente à l’idée qu’il puisse accompagner cette femme dangereuse. Elle pressent le pire mais George qui dit n’avoir aucune brio dans la conversation, fait preuve d’une telle éloquence que la mère vaincue cède à la maîtresse. Celle-ci promet de veiller sur Alfred comme une mère. L’escapade amoureuse peut commencer.

George Sand et l’Italie : 3. Rencontre avec Alfred de Musset