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Les deux amants sont déjà connus. Quand ils prennent la diligence pour Lyon, on les désigne dans la foule. Ils sont beaux et remarquables tous les deux. George l’excentrique est habillée en jeune homme.

Le départ est fixé au 15 décembre. Arrivés à Lyon, ils prennent le bateau à vapeur descendant le Rhône qui les conduit à Avignon. Ils y font la connaissance de Stendhal. Henri Beyle rejoint son poste consulaire dans la ville de Civita-Vecchia. Commentaires de George Sand : ”Je causais avec lui, le trouvais fort aimable. Il se moqua de mes illusions sur l’Italie, assurant que j’en aurais vite assez et que les artistes à la recherche du Beau en ce pays étaient de véritables badauds. Je ne le crus guère voyant qu’il était las de son exil." Après quelques jours de cohabitation, George Sand semble lassée de ce compagnon de hasard : "Nous nous séparâmes après quelques jours de liaison enjouée mais je confesse que j’avais assez de lui et que s’il eût pris la mer, j’aurais pris la montagne…” Du reste, ajoute-t-elle, critique : “c’est un homme d’un talent original et véritable mais écrivant mal." Jugement qui nous fait sourire aujourd’hui. Stendhal lui rendra bien cette antipathie naissante. Il sera l’un des critiques les plus méprisants de Sand avec Baudelaire.

Depuis quelques années Stendhal se morfondait dans la ville sinistre de Civita-Vecchia. Comme vous le voyez, le quinquagénaire fatigué est croqué par Musset, dansant sur le pont du bateau. George commente : “Stendhal fut là d’une gaité folle, se grisa raisonnablement et dansant autour de la table avec ses grosses bottes fourrées devint quelque peu grossier et pas du tout joli.

Tous trois se séparent à Marseille. Alfred et George s’embarquent pour Gênes. Plus tard en 1839, George Sand dans une lettre à son amie Carlotta Marliani, dépeint le port de Gênes qu’elle vient de revoir avec Chopin, sur le chemin qui les ramène de Majorque à Nohant.

Nous y avons vu une nature admirable, des palais, des jardins échafaudés les uns sur les autres avec une grâce toute particulière." Musset voit la ville comme une femme heureuse :

Tu l’as vue, assise dans l’eau
Portant gaiement son mezzaro
La belle Gênes
Le visage peint, l'œil brillant
Qui babille et joue en riant
Avec ses chaînes…

Le ciel clément, en ce mois de décembre, leur fait fête. Il fait beau, l’humeur des amants est à la gaieté. Entre Gènes et Livourne, ils prennent le bateau. Une caricature d’Alfred les représente elle et lui sur le pont du vapeur. Elle : impassible, la cigarette aux lèvres, lui : en proie au mal de mer et vomissant. Légende :“Homo sum et nihil humani a me alienum puto". (Traduction : “Je suis homme et rien de ce qui est humain, ne m’est étranger”). Musset fait partie de ces hommes d’esprit, capables de se tourner en dérision, plein de fantaisie, aimant le jeu, le rire et les farces. Le charme de l’homme cache bien la folie sous-jacente.

C’est encore une promenade d’amoureux. Ils ne se doutent pas qu’ils vont vers le désastre, la débâcle sentimentale absolue. Et pourtant l’heure approche où ils se fuiront. Le temps se gâte dans le ciel d’Italie, le temps se gâte dans le cœur des amants. George Sand est malade, affreusement malade. À Pise, ils visitent la tour penchée, le Campo-Santo “avec grande apathie“ note la romancière. Ils jouent à pile ou face : irons-nous à Rome ou à Venise? Musset argumente : ”Qu’irions-nous faire à Rome ? Nous ne voyageons pas pour nous éblouir et encore moins pour rien apprendre.“ “Venise, face retomba dix fois sur le plancher“, constate George Sand ! Le sort en est jeté ! Ils iront à Venise ! Après Pise, Florence : 4 jours dans la ville des Medicis, celle de Lorenzaccio, Florence produit sur le poète une impression lugubre.

Tu les a vus les vieux manoirs
De cette ville aux palais noirs
Qui fit Florence
Plus ennuyeuse que Milan…
"

George, malade, est insensible aux beautés artistiques. La débâcle intestinale dont elle souffre, ne prédispose pas à l’exercice d’admiration pas plus qu’elle n’incite aux plaisirs de l’amour ! Dans L’histoire de ma vie, écrite bien des années plus tard, George Sand se souvient : ”Nouvel accès de fièvre à Florence. Je vis toutes les belles choses qu’il fallait voir et je les vis à travers une sorte de rêve qui me les faisait paraître un peu fantastiques. Il faisait un temps superbe mais j’étais glacée et en regardant le Persée de Cellini et la chapelle carrée de Michel-Ange, il me semblait, par moments, que j’étais statue moi-même. La nuit, je rêvais que j’étais mosaïque et je comptais attentivement mes petits carrés de lapis et de jaspe.

Ce court extrait de sa biographie commencée en 1847, montre bien la sensibilité originale de cette femme, à l’écoute de ses sensations, proche des choses, des objets matériels qui l’entourent. Peu en harmonie avec Florence, le couple montre des signes de désunion. Ils décident de fuir au plus vite. Imaginons-les sur les routes de Toscane, ballottés dans une lourde voiture tirée par des chevaux. Ils se hâtent vers Venise, la ville mythique. Ils en ont rêvé tous les deux. Lelia et Stenio, prêts à s’embarquer pour Cythère, voguent vers l’île de Venise. Mais l’enchantement attendu n’aura pas lieu. Commence leur lune de fiel. George Sand abattue, grelottante, voit tout à travers le prisme déformant de la maladie. La Toscane et l’Arno disparaissent sous ses yeux embués de fièvre. “J’allais jusqu’à Venise sans m’étonner ni m’émouvoir de rien.” Ses malaises empoisonnent les relations des amants qui ont perdu le goût d’aimer.

Ils chevauchent les Apennins, passent Bologne, Ferrare, Rovigo, arrivent à Mestre, la nuit de la Saint Sylvestre. Dans une lettre au baron Dudevant, George décrit la double vision qu’elle eut, dès son arrivée : sombre et lumineuse à la fois.

George Sand et l’Italie : 4. En route vers l’Italie