Paris
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"Sa tête de boucher italien
ornée dénormes favoris noirs"
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Le voilà de nouveau à Paris, où règne toujours le régime de la Restauration quil a baptisé : le parti de léteignoir. Tout lui est difficile. Son père est mort ruiné, il doit travailler, gagner sa vie et réussir. Pour un temps, lAngleterre, Londres, les pièces de Shakespeare soignent son spleen. Cest un anglophile, il senorgueillit de nécrire que pour des happy few. Il y aurait beaucoup à dire de ses relations avec lAngleterre mais ce nest pas notre propos.
Devenu un brillant causeur, il fréquente les salons parisiens de lopposition libérale, où il se sent à laise. Il y promène sa lourde silhouette. On y voit beaucoup sa tête de boucher italien ornée dénormes favoris noirs, tel quil se décrit lui-même. Stendhal a le sens du comique et sait manier lautodérision. Il écrit dans les journaux, se fait une réputation enviable, des amis, dont Prosper Mérimée, de vingt ans son cadet. Henri Beyle vit à Paris comme à Milan.
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La Pasta,
en costume de scène
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Il va souvent à lopéra et termine ses soirées chez la cantatrice Giuditta Pasta, où il rencontre beaucoup dItaliens en exil. Cest en leur compagnie, dans le salon de madame Pasta quil compose son premier livre à succès : La vie de Rossini.
Rossini (1792-1868) est alors un musicien en vogue. Stendhal le connaît bien. Il la rencontré plusieurs fois à Milan de 1819 à 1821. Il aime sa musique pleine déclat, légère, mousseuse comme du champagne mais il le critique et noublie jamais de souligner ce que Rossini doit à Cimarosa, pour lui inégalable, celui qui touche au cur. Ses héros sont comme lui. Dans la Chartreuse de Parme, on lit que : Fabrice del Dongo pleurait à chaude larmes en entendant chanter les airs de Pergolese et de Cimarosa. Il publie en 1827 la deuxième version de Rome, Naples et Florence. Cette année-là paraît, aussi, son premier roman Armance. Puis deux ans plus tard, Les Promenades dans Rome, où il se montre le plus aimable des guides romains : un touriste averti, plein dironie et de piquant, un flâneur qui glane au gré de ses humeurs, les sensations et les choses vues dans la Ville Éternelle, dont il jette des fragments délicieux aux yeux de ses lecteurs.
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Giulia Rinieri
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En France, les événements politiques saccélèrent. Le règne des Bourbon sachève avec la Révolution de Juillet et linstallation du Roi des Français : Louis Philippe. Stendhal écrit dans la fièvre de cette époque mouvementée. 1830 : année faste pour lui. Il met fin aux épreuves de son roman Le Rouge et le Noir appelé à la postérité que lon sait. Pendant ces trois glorieuses journées de Juillet 1830, il séduit une jeune italienne, Giulia Rinieri qui lui fait des avances imprévues et flatteuses. Elle lui écrit, avec candeur : je sais bien et depuis longtemps que tu est laid et vieux mais je taime. Pourtant lauteur, tout occupé à cristalliser autour dune belle parisienne, Alberte de Rubempré, attendra deux mois avant dentamer cette nouvelle liaison, tâtant son cur, s'analysant sans cesse, réprimant ses élans comme le fera, son héroïne Mathilde de la Mole dans Le Rouge et le Noir, avant de succomber au magnétisme de Julien Sorel.
Paru en 1830, son roman Le Rouge et le Noir connaît un assez beau succès, salué par Goethe. Le nouveau régime plus libéral, lui ouvre des portes. Il sollicite un poste de préfet. Présenté à Guizot, Ministre de lIntérieur, il na pas lheur de lui plaire : trop spirituel, trop caustique, hors normes ! Quà cela ne tienne, il sadressera au comte Molé, ministre des Affaires étrangères. Il lui écrit cette supplique, humble et ironique à la fois, dont j'extrais quelques lignes : M. Beyle, pénétré de reconnaissance quon le trouve bon encore à quelque chose, malgré ses 47 ans et ses 14 ans de service, expose quil est absolument sans fortune. M. Beyle désirerait une place de consul général à Naples, Gênes, Livourne, etc
Il sera envoyé à Trieste, territoire autrichien. Mauvais présage ! Il quitte Paris le 6 novembre. La veille de son départ, il a demandé Giulia en mariage à son père adoptif, Daniello Berlinghieri. Il lui écrit plutôt maladroitement :Cest peut être une grande témérité à moi, pauvre et vieux de vous avouer que je regarderais le bonheur de ma vie assuré si je pouvais obtenir la main de votre nièce. Ma fortune, à peu près unique, est ma place. Place peu assurée au demeurant. Berlinghieri, le tuteur, fait une réponse évasive, assez décourageante. Beyle quitte Paris sans trop despoir.
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