Hortense Allart

Cette sorte d’enivrement qu’éprouve notre ambassadeur, lui est procuré cette fois par une nouvelle rencontre amoureuse. Elle s’appelle Hortense Allart. Leur liaison commence à Rome en avril 1829, quelques jours avant la grande fête romantique qu’il décrit si bien dans ses Mémoires d’Outre-Tombe. Un matin son secrétaire lui apporte une lettre d’une amie, madame Hamelin, qui lui recommande une jeune femme de lettres très jolie, précise-t-elle : elle est descendue à Rome chez sa sœur Sophie. Chateaubriand lui écrit. Elle vient le voir au palais Simonetti. Elle est ravissante, blonde, le regard bleu plein de gaieté, ses manières sont simples et élégantes. Elle n’a pas froid aux yeux, c’est une femme libre. Sa beauté et son charme éblouissent l’ambassadeur sexagénaire ; elle a 28 ans. René s’en éprend, tout rajeuni d’une nouvelle aventure. Elle devient la maîtresse de monsieur l’ambassadeur auprès du Saint Siège. Une longue liaison commence. Elle illumine la fin du séjour romain de René. Hortense écrit et s’intéresse à la littérature. Bien sûr, elle a lu Atala et sait en parler d’une façon qui plaît au poète. Elle s’est déjà fait connaître par ses romans. Elle en écrit un justement intitulé Jérôme. Hortense le fait lire au grand écrivain qui déclare que l’œuvre, à peu près illisible, est admirable. Elle n’est pas dupe, comprend qu’il la flatte mais elle est charmée par le séducteur dont elle parlera dans une sorte de confession autobiographique Les enchantements de Prudence où elle évoque leurs rencontres amoureuses qui se poursuivront à Paris. Plus tard, elles deviendront des rencontres amicales jusqu’à la mort du poète qu’Hortense ne cessera de louer avec finesse, face à Sainte Beuve iconoclaste soucieux de briser la statue de l’enchanteur.

Hortense était une femme étonnante, amie de Béranger qu’elle présentera à Chateaubriand, amie de Stendhal et aussi celle de Sainte Beuve à qui elle écrit fréquemment. Entre autres confidences, elle lui fera part des performances amoureuses du grand poète chrétien décidément grand pécheur et une fois de plus infidèle. À qui ? À Céleste, son épouse supportée qui l’a suivi à Rome ? Ou à Juliette à qui il a juré amour et fidélité éternelle ? René lui envoie sa lettre quotidienne. Quelques jours avant de rencontrer Hortense, il lui écrit : ”J’ai ri de vos recommandations. Ne craignez rien, je suis cuirassé ; pouvez -vous douter de moi ? “Un peu plus tard, “La fameuse mademoiselle Allart m’est arrivée de la part de madame Hamelin. Elle m’a paru fort extraordinaire, assez jolie, spirituelle mais d’un esprit peu naturel. Elle part pour Naples.” Faux bien sûr, elle est à Rome ; ils se rencontrent secrètement ; il s’arrange pour ne pas inquiéter sa femme Céleste. il se divertit avec Hortense puis il écrit à Juliette le 16 mai, la dernière lettre romaine. “J’éprouve un mélange de joie et de tristesse que je ne puis vous dire. Pendant 3 ou 4 mois, je me suis déplu à Rome. Chère amie, je vais vous chercher.“ Quant à Juliette, elle l’attend : ”pour ranimer”, dit-elle, “sa vie prête à s’éteindre“. Elle ignore encore que René a réussi à convaincre Hortense de le rejoindre à Paris.

 

 
Chateaubriand et l’Italie - Portraits de femmes : Hortense Allart
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