![]() |
|||||||||
![]() |
|||||||||
|
|
La situation des personnages du roman rappelle celle du trio vénitien : Jacques ressemble à Musset. Amoureux de Fernande, alias George, il acceptera de seffacer devant le nouvel élu Octave qui emprunte plusieurs traits à Pagello. Dans ce roman, George Sand exprime la fatalité de la passion amoureuse considérée comme sacrée. Pour calmer ses scrupules de conscience, George qui a lâché Musset, imagine que son héros Jacques non seulement se suicide mais encore quil sarrange pour maquiller en accident de montagne, sa chute volontaire, afin que libérés de la présence du mari gênant, les amants puissent jouir sans remords de leur passion. Le sacrifice de Jacques les a libérés comme Musset, en partant, leur a laissé le champ libre. La cause plaidée par lauteur paraît indéfendable, elle-même le savait bien. Elle répond aux critiques en arguant de la liberté du créateur. Elle travaille aussi à un autre roman, Leone Leoni, inspiré des Mémoires de Casanova. Elle y fait revivre la Venise aux murs orientales et leur trio amoureux sous des noms demprunt. À propos de Leone Leoni, Pagello évoque, dans son Journal, le point de vue de lauteur sur son travail de romancier. En mars, elle le charge denvoyer à Buloz, le manuscrit de son roman; le docteur veut lire le contenu mais elle len empêche avec hâte : Ne lisez pas. Jécris pour un public avide de nouveautés et de mensonges. Ne veuillez pas me connaître dans mes écrits, jen aurais une grande peine." Mme Sand nétait pas dupe ! Lucide, elle savait bien quelle devait son succès à des histoires à sensation prises dans le tissu même de sa vie sentimentale agitée. En ce mois de mars 1834, George et Alfred connaissent une accalmie dans leurs rapports tendus grâce à larrivée à Venise dun ami de Musset, Alfred Tattet. Ils vont au théâtre de la Fenice écouter la cantatrice Giuditta Pasta que George connaît et apprécie. Ce soir-là, elle qui aime lopéra de Mercadante, se montre choquée des habitudes du public vénitien quelle juge mal élevé, excessif. Dans Consuelo, magnifique roman qui paraîtra 10 ans plus tard, elle décrit lambiance survoltée dune salle de concert à Venise. Consuelo, jeune vénitienne, à la voix dor, se produit sur la scène dun théâtre de la ville : Elle chanta son grand air du début et fut interrompue 10 fois; on cria bis, hurlements denthousiasme La fureur du dilettantisme vénitien sexhala dans toute sa fougue à la fois entraînante et ridicule - Quont-ils à crier ainsi, dit Consuelo, en rentrant dans la coulisse on dirait quils veulent me lapider. Ce comportement déchaîné blessait George Sand mélomane exigeante dont on connaît le goût pour la musique et les musiciens puisquelle séprendra de Chopin, 4 ans plus tard. Poésie et musique sont au cur de sa vie, à quoi il faudrait ajouter son intérêt pour la politique ! Elle sera la pasionaria de la gauche républicaine en 1848. À Venise, George trouve en Alfred Tattet quelquun avec qui sépancher. Ils deviennent amis. Le 22 mars quelques jours après le départ de ce gai compagnon, George lui écrit une lettre amicale, piquée de malice : "Si quelquun vous demande ce que vous pensez de la féroce Lélia, répondez seulement quelle ne vit pas de leau des mares et du sang des hommes dites quelle vit de poulet bouilli, quelle porte des pantoufles le matin et quelle fume des cigarettes de Maryland LIllustrissimo professore Pagello vous adresse mille compliments et amitiés Je lui ai traduit servilement le passage sombre et mystérieux de votre lettre où il est question de lui et de Melle Antonietta Le docteur Pagello a souri, rougi, pâli, les veines colossales de son front se sont gonflées, il a fumé trois pipes ; ensuite il a été voir jouer un opéra nouveau de Mercadante à la Fenice puis il est revenu et, après avoir pris quinze tasses de thé, il a poussé un grand soupir et il a prononcé ce mot mémorable que je vous transmets aveuglément pour que vous lappliquiez à telle question quil vous plaira : Forse ! Peut-être ! Ce portrait plein de verve dit bien le plaisir tout neuf que George Sand éprouve auprès de son nouvel amant. Musset quitte Venise le 29 mars 1834. Elle laccompagne jusquà Mestre. George Sand est triste mais elle respire, soulagée. Et pourtant, cet amour quelle croit mort à Venise, ces embrasements célestes quelle réserve maintenant à Pagello, toute cette folie nattend que Paris pour renaître. Quelques mois plus tard, George Sand revenue à Paris, en compagnie de son sigisbée italien, naura de cesse de renouer avec Musset cette liaison interrompue. Ils reprendront leurs chaînes amoureuses, leurs rapports orageux et violents jusquà dissolution complète de leurs liens en 1835. Reste pour les amateurs de littérature et les curieux de la nature humaine, les uvres de ces deux amants de génie qui ont su faire de leur passion un feuilleton à succès, une cantate à deux voix. Les Confessions dun enfant du siècle écrit Alfred de Musset, en 1836, un an après leur rupture, Elle et Lui, répondra George Sand en 1859. Musset est mort depuis deux ans. La romancière sy donnera le beau rôle, et cette complaisance dans lautosatisfaction déchaînera la colère de Paul de Musset, le frère du poète qui rétorquera en écrivant, la même année, Lui et Elle où il met George en accusation. Un nouvel avatar de cette saga sentimentale, sera la confession romancée de Louise Colet, sobrement intitulée Lui (1859). |
|
![]() |
|||||
![]() |
|
||||
![]() |